Auprès de toi

Illustration : Liane Silwen
La seule et unique chose qui me retenait à la vie s'est éteinte... la seule chose... elle est morte... le seul homme... il est mort... tu es mort...
Toi, mon amour, mon coeur, ma vie, mon âme ! Pour toi je suis là. Sous la neige. Seule... comme je le serai toujours à présent....
Il y a eu beaucoup de fleurs. Fleurs accompagnées de pleurs. Pleurs repoussant tout bonheur. Bonheur ayant déserté les coeurs. Bonheur... Malheur. Je souffre, je souffre tant de t'avoir perdu. Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas plus tard ? Tu étais si jeune... pourquoi ? Tant de gens t'aimaient... tant de gens souffrent à présent... tant de fleurs sur ta tombe... Pourquoi ? Pourquoi fleurir les tombes. Pourquoi, les fleurs, censées évoquer le bonheur doivent−elle s'accompagner de pleurs ? Mon coeur n'est plus. Il est parti avec toi. Toi que j'aimais tant et que j'aimerai toujours.
Ta tombe est de marbre blanc, ciselé de fines veines grises qui courent sur la peau lisse et sans défaut de la pierre. Pierre froide. Glacée. Nous séparant à tout jamais. Ôtant tout espoir de te revoir un jour. Toi dans mes bras. Ta peau lisse et tiède sur ma peau. Nos corps ne faisant qu'un. Jamais plus. Je le sais. On m'a dit d'oublier, de refaire ma vie. Ils ne savent pas... ne comprennent pas...
Comment refaire une vie lorsqu'on n'a plus d'âme, plus de coeur. Lorsque l'on est déjà mort ? Je leur ai dit que j'essaierais, qu'il me fallait du temps. Du temps... qu'est ce que le temps lorsque l'on souffre tant. Qu'est−ce qu'une minute, une heure, un jour, un an, un siècle pourront changer à notre amour ?
Ta tombe est pleine de fleurs de toutes les couleurs. Rouges... noires... blanches...
Rouges pour notre amour qui, disions-nous, durerait toujours.
Noires pour mon désespoir de ne plus pouvoir te voir.
Blanches pour la paix, la pureté, l'insouciance si vite oubliée.
Et au milieu de toutes ces fleurs qui ne sont rien d'autre que des symboles... une fleur bleue... la couleur que tu aimais tant et à laquelle personne n'a pensé... Sauf moi. Moi qui te connaissais si bien, qui t'ai tant aimé... te l'ai tant répété... peut−être pas assez...
Je n'arrive plus à te voir comme tu étais, vivant, souriant, charmant... Lorsque je pense à toi, le masque blanc et cireux de la mort s'impose. Un visage presque inconnu... sans couleurs... On aurait dit que, sur ton lit de mort, on t'avait maquillé à l'image de ta tombe. Blanc. Lisse. Des sillons creusés par mes larmes sur tes joues. Froides. Comme le marbre. Comme la mort.
Pourquoi cette mascarade ? N'auraient−ils pas pu te laisser comme tu étais ? Avec tes défauts, tes petites rides au coin des lèvres... Non... pour eux, dont la mort est la vie, tu devais être blanc. Tu devais évoquer le roi des morts. Pour mieux te faire accepter peut−être...
La tombe est propre, brillante, parsemée de petites plaques qui vantent tes mérites comme si tu étais un produit. Je suis sûre que tu ne m'en voudras pas de ne pas en avoir fait graver pour toi... je suis sûre que tu comprendras que pour moi, tu es autre chose que trois mots gravés dans une pierre. Trois mots gravés par quelqu'un dont c'est le métier, qui ne te connaît pas, ne t'a même jamais vu. Trois mots choisis dans un catalogue. Trois mots prédéfinis. Sans personnalité. Moi, ces mots sont gravés dans mon coeur. Dans ton coeur. Dans nos coeurs. Je le sais. Nous n'avons pas eu besoin de les choisir. Il se sont imposés d'eux−mêmes... naturellement...
La neige tombe. De plus en plus dense. On m'appelle, me priant de rentrer. Mais je ne te quitterai pas. Je resterai près de toi. À jamais. Pour toujours. Au nom de notre amour. Bientôt les fleurs se faneront, les mots s'estomperont, le marbre se ternira. Il ne restera plus que moi.
Auprès de toi.
Je ne sais plus quoi dire.
le 12 Jul 2009Qu'écrire devant un texte si beau...
Tu écris une vérité si forte,qu'elle surpasse de beaucoup tant d'autres...