Inanité
Je veux vivre sans rien et cueillir l'azalée d'un printemps révolu, inspirer l'invisible gratuité de l'air et faire de mon corps l'écrin du détachement. La vie est là, à portée de main, dans l'ourlet de tes yeux mais nous courons sans trêve vers un but illusoire. Nos doigts, agités par des spasmes futiles, griffent la beauté pour s'emparer de quelques pépites d'or, d'amour et de savoir. J'ai amoncelé les années, récolté le fruit de mes erreurs, j'ai accumulé les idées et planifié mes bonheurs mais que me reste-t-il ? Pléonexie fugace. J'ai compté les espoirs, chiffré les réussites, j'ai appris des formules, de beaux mots, ton odeur. Il ne m'en reste rien, pas même une fleur fanée à offrir au Bon Dieu. Je t'aime mais je veux mes poches vides. Je ne veux plus amasser des mots d'amour ni enfermer l'hymne de tes soupirs dans des coffres en bois blanc. Desserre ton étreinte qui pourtant me rassure. Laisse mourir tes doigts dans le grain de ma peau et va-t'en loin de moi quand tu le désireras. Mon corps ne sera plus qu'un tunnel éphémère pour les beautés du monde : le soleil, la neige bleue, le ciel rouge, le sang du nouveau-né et les primevères d'un soir couleront sur mon âme sans s'encombrer de mots. Je veux mes poches vides et le corps dénudé d'un lampadaire rouillé. Je ploierai sous le temps et qu'importe le jour où je me briserai. Rien ne m'échappera. La vie n'existe pas.
Cette pléonexie fugace qui nous ronge les pensées d'une part ; les poches vides et l'éphémère beauté d'autre part ... Où se rendre? Où se perdre? Les mêler ?
le 24 Jui 2010