Liqueur psychédélique

Quand l'encre coule à flot dans le cœur du poète
Celui-ci entre en transe et plus rien ne l'arrête
Il prend sa plume d'or et invite les mots
À faire résonner leur éternel écho
Sur la table d'ébène il pose une nappe blanche
Affrontant bravement le mythe de la page blanche
Auprès de lui dansent les lettres de l'alphabet
Au nombre de vingt-six, même le K y est
Quelques pages en livrée installent le couvert
Disposant quelques lignes en guise de repères
Une odeur d'éternel jaillit de l'antichambre
Un bouquet d'immortelles trône dans son vase d'ambre

C'est une orgie de mots, un festin, un régal
Un banquet pour les dieux
Un bienfait pour les yeux
Une grappe de raisin accessible à Tantale

Une brume de feu s'étale doucement
Enveloppant les phrases d'une chape de nuit
Des étoiles s'illuminent et dansent élégamment
Autour de quelques lettres, ivres et emplies de vie
Les langues se délient et les ventres sont pleins
De s'être sustentés de l'hydromel sacré
Liqueur psychédélique, qui gît dans l'encrier
Et répand dans la salle un envoûtant parfum
Nectar sucré qui glisse ruisselant dans d'avides gosiers
Se mêlant à la langue pour l'immortaliser
Vin noir répandu en une vaste marée
Qui tache les sourires d'un goût d'inachevé

Quand le poète, lèvres bleuies par une tache de vin
Relâchera sa main, traçant un dernier point.