Quand le corps se soustrait à lui-même
Rien.
À perte de vue
Rien.
Voilà ce qu'il me faudrait pour écrire. Un fond monochrome sans couleur. Pas de lumière pour enfanter objets, paysages, mirages et illusions.
Rien.
Rien que l'absence de vie. L'absence de vide. La nuit alors peut-être, la nuit dans laquelle notre substance se soustrait à nos sens. La nuit où la chaleur du corps qui s'enferme sur lui-même, se respire et se touche, disparaît entre deux souffles d'air. S'oublier. Oublier ce qui nous entoure, ce qui nous épie. Pour mieux plonger tout au fond de soi-même.
Pas dans le cœur.
Non.
Pas dans le cœur, ni dans l'âme, ni dans l'esprit. Ce ne sont que des mots, du vide. Un mensonge enfermé dans une graine de rien.
S'enfoncer dans les affres du moi, nu comme l'errance, les poings serrés sans attendre de récompense, sans l'armure d'apparence.
Cesser de se servir des mots pour leur faire dire quelque chose. Cesser de les considérer comme des humains, comme des êtres qui ont besoin des autres pour survivre, pour avoir un sens, pour puiser une force.
Ne plus penser. Se laisser prendre la main par le vide comme une enfant trop jeune pour comprendre de qui viennent ces doigts, quelles sont leurs intentions. Se laisser guider par l'aveugle fou sans chercher une couleur, une forme ou une poussière. Se laisser happer par le néant.
Sucer les grains de silence.
Juste pour écrire quelque chose là où il n'y avait rien. Et poser un petit caillou vert.
le 08 Jul 2010