Rêvélité
Hier soir, il y a de cela mille ans, tu as tiré les rideaux comme on ferme les paupières d'un mourant. La lumière était pareille à l'aube ancienne des soirs d'amour, légèrement voilée, encore transparente des lambeaux de sa virginité.Tout était tranquille. Dans les feuillages chantait le rossignol. Il était tard pourtant. L'or, déjà, s'évaporait des arbres pour teinter le contour de quelques étoiles solitaires. Et dans ces mondes éternels, accrochés à la voûte de tes paupières closes, tu imaginais le destin, celui que tu n'avais jamais osé affronter. Tu imaginais le destin et celui-ci, indécis comme les rêves, ondulait devant toi. Indistinct. De ses méandres naissaient tes rêves et de tes rêves cette peur enfantine du loup ou de la mort, de ces peurs irraisonnées qui te serraient le ventre et écrasaient ta conscience sous le poids des chimères d'un monde que tu fuyais. Car si aujourd'hui le destin se rétracte sous tes yeux, ce n'est que pour te dévoiler l'absurde réalité, et ce que tu contemples n'est plus ni un rêve ni un conte mais la terrible vérité. Le loup ricane silencieusement dans la nuit tombante, et sa gueule fétide anesthésie tes sens. Son pelage déchiré, ses crocs jaunes, son oreille lacérée et cette grimace de haine se transforment lentement derrière le filtre de ta fatigue. Seuls les yeux restent de braise. Et te fixent.
Le loup, qui est le monde, rit, te dit qu'ici ce n'est qu'un songe, que tu y es libre, mais qu'au matin il faudra bien redevenir fragile. À ces mots, ta force meurt, brûle à tes pieds en un froissement déchirant. Ta force, vulgaire et risible tas de cendre sur le sol de ton âme dévastée. Tu lèves les yeux et regardes la bête. Elle n'est plus là, seul son sourire enfiellé subsiste dans le noir. Mais ce n'est que le rictus de la lune qui se moque de toi et de ta petitesse, tes yeux se sont ouverts de nouveau, couchée telle une gisante tu supplies ton chagrin de rester bien sage, tapi au fond du cœur, et de n'y pas bouger, car tu ne veux pas donner à la lune d'autre raison de se moquer. Le rossignol est allé rejoindre son destin dans ses propres ténèbres, toi. Frissonnante, tu te lèves, enveloppée dans tes draps, frêle comme un fantôme, assise à la fenêtre tu attends que revienne l'aurore qui donnera ses couleurs au monde. Transie de ta terreur, jamais tu n'oseras rabattre tes paupières comme on tire les rideaux à la face de la lune.
Le début m'a un peu perdue, je me demandais sérieusement où vous vouliez en venir ! Mais j'ai bcp aimé la suite !! C'est original, frais, ça claque... J'ai bcp aimé la noirceur, le songe... Merci !
le 24 Avr 2012